Rentrons immédiatement dans le vif du sujet, peut-être même par la conclusion… Pour être heureux, il ne faut pas confondre plaisir et bonheur…. Voire même… Trop de plaisirs peuvent être un obstacle au bonheur.
Quels liens entre plaisir et bonheur ?
Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, il n’y a pas de liens entre plaisir et bonheur.
Une montagne de plaisirs ne fait pas le bonheur et ce n’est pas la satisfaction des plaisirs aussi nombreux soient-ils qui permet d’être heureux.
Le plaisir et le bonheur diffèrent en de nombreux points.
Le plaisir est extérieur, le bonheur est intérieur.
Le plaisir est fugace, le bonheur s’inscrit dans le temps.
Le plaisir se renouvelle, le bonheur lui se cultive, s’entretient.
Le plaisir est viscéral, le bonheur est spirituel.
Le plaisir peut s’obtenir via des substances, pas le bonheur.
Le plaisir se conjugue généralement avec le verbe prendre, le bonheur avec le verbe donner.
Le plaisir extrême peut peut-être addictif, pour le bonheur aucune addiction n’a été identifiée.
Plaisir et bonheur n’ont donc rien à voir, ... tellement rien à voir que même notre câblage interne est différent et que notre petite usine chimique intérieure ne s’active pas de la même façon pour les gérer. Plaisirs et bonheur sont associés à deux neurotransmetteurs différents qui produisent des effets opposés. Sans s’embarquer dans une explication scientifique détaillée et en ne retenant que les grandes lignes voici la différence entre les deux circuits qui sont en jeux.
Dans le cas du plaisir, dopamine et opiacés endogènes sont sécrétés et activent le circuit de la récompense. Le fonctionnement de celui-ci nous incite à reproduire les expériences qui nous ont procuré du plaisir. La satisfaction d’un plaisir suscite donc l’envie de son renouvellement. C’est ce circuit qui est l’œuvre dans le cas des habitudes et des addictions.
Le bonheur lui repose sur la production de sérotonine. Ce neurotransmetteur, ne se trouve dans le cerveau que pour une infime partie. Il est présent dans tout le corps et est secrété à 95% par les cellules intestinales. La sérotonine a un fonctionnement complexe et un rôle très important. Elle est liée au sentiment de plénitude et est clé dans la régulation de notre appétit, notre sommeil, nos émotions et nos humeurs.
Quand la dopamine augmente, la sérotonine diminue… mais quand la sérotonine baisse, le sentiment de bien-être et d’apaisement s’estompe petit à petit. C’est un équilibre délicat et fragile à maintenir.
De là en conclure que trop de plaisir peut faire fuir le bonheur…. Il n’y a qu’un pas que le célèbre neuroendocrinologue Américain Robert Lustig franchit allègrement.
« Plus vous recherchez du plaisirs, plus vous serez malheureux »
Tous ces constats faits grâce aux avancées de la neuroscience, corroborent en fait de façon étonnante les pensées de certains philosophes comme Epicure qui distinguait déjà il y a fort longtemps les plaisirs stables et les plaisirs éphémères liés à nos sens. Ces plaisirs sensibles reviennent sans cesse car les besoins qu’ils satisfont reviennent eux aussi sans cesse. Pour Epicure, il faut renoncer aux plaisirs sensibles pour se tourner et choisir les plaisirs stables et se garantir ainsi « la paix du corps et de l’esprit » indispensable au bonheur.
Le plaisir est intimement lié à notre environnement, à une expérience vécue. Il s’inscrit dans l’instant. Une rencontre, un bon vin, une soirée, un achat, … Ça y est, le signal se déclenche, …. On est en train de se régaler, de se faire plaisir, la machine se met en marche, la dopamine se libère. Le plaisir est là, sensation agréable, parfois intense mais fugace.
Un plaisir en chasse un autre, on pense à la prochaine fois et les plaisirs se succèdent dans une quête sans fin, parfois dans une escalade de sensations, de toujours plus.
Mais l’habitude se crée, les sensations sont moins fortes et pour un même plaisir il faut augmenter la fréquence.
Cette course effrénée aux plaisirs est encouragée par notre environnement et notre mode de vie consumériste. Publicités, séries, journaux, réseaux sociaux, … viennent chatouiller notre cerveau et nous font souvent croire que notre bonheur passe par la satisfaction de besoins matériels.
Nous sommes finalement, pour la plupart d’entre nous, bien souvent sous l’influence de la dopamine générée par la satisfaction de ces plaisirs immédiats, or comme le dit le Robert Lustig.
« Quand la récompense devient notre but premier, elle fait le lit de l'addiction, qui est l'exact opposé du bonheur" »
Mais du coup, qu’est-ce que le bonheur ?
Aujourd’hui la société tente de nous faire croire que le bonheur est un bien de consommation. Des images de gens riants aux éclats, de familles parfaites, des sourires extatiques, des lieux magiques, des maisons somptueuses, les dernières nouveautés électroniques, … Toutes ces représentations sont autant de petits cailloux posés nous indiquant le chemin à suivre pour parvenir au bonheur.
Heureux…. Nous avons tous pour objectif d’être heureux, de trouver le bonheur. C’est une quête qui s’affranchie de l’âge, de la religion, de la culture, …. Elle est universelle.
On nous laisse entendre que vouloir le bonheur c’est un peu comme partir en croisade.
Que pour parvenir à destination le chemin est long, semé d’embuches, qu’il faut faire des efforts et se donner du mal. Mais faire des efforts c’est employer ses forces pour vaincre une résistance.
Une résistance ? Mais quelle résistance faudrait-il vaincre?
Pourquoi donc faudrait-il donc faire des efforts pour être heureux ?
Pourquoi faudrait-il se battre et poursuivre sans relâche ce bonheur pour enfin l’atteindre ?
Et puis, si c’est un objectif si difficile à atteindre, il est donc normal que seuls certains élus puissent, au terme d’une longue quête et de beaucoup de persévérance avoir la chance de connaître ce fameux bonheur.
Et pourtant, il est là, à portée de main.
Il ne se cache pas dans l’acquisition de biens matériels aussi somptueux et nombreux soient-ils.
Il ne résulte pas de l’accumulation de plaisirs même variés et intenses.
Il ne découle pas non plus de relations d’amours ou d’amitiés et d’instants partagés avec les gens que nous aimons, ou de vacances passées sur des plages de rêves.
Le bonheur doit être trouvé en soi-même. Il est en chacun de nous.
Il s’installe lorsque l’on est en paix avec soi-même. Il faut pour cela apprendre à se connaitre, s’accepter puis s’aimer pour ses parts de lumières mais aussi pour ses parts d’ombre.
Le bonheur est un état de bien-être et de sérénité qui se pose comme un voile lorsque plus aucune résistance intérieure ne fait obstacle, que tout est fluide et aligné.
Tout parait alors plus simple et facile. Mais le bonheur n’est pas un bête état d’extase qui ferait obstacle à toutes les émotions négatives. Il n’empêche pas la colère, la peur, la tristesse et les pleurs. Ces émotions continuent à nous atteindre et à nous traverser. La sérénité et la fluidité inhérente au bonheur permettent simplement de les accueillir plus facilement pour les comprendre et de les laisser nous traverser sans les retenir.
Alors plaisirs ou bonheurs ?
« Le plaisir n'est pas le bonheur ; le bonheur sait très bien se passer du plaisir » - Pythagore
Il n’est évidemment pas question de renoncer aux plaisirs quels qu’ils soient. Il est juste question d’être conscient que le plaisir ne conduit pas au bonheur et que la course aux plaisirs nous éloigne du bonheur qui est tout simplement là, accessible simplement.
«Chacun a en lui les ressources pour vivre une bonne vie»
Le bonheur c’est le chemin de vie que nous empruntons tous les jours, et nous avons l’entière responsabilité du chemin que nous choisissons.
En savoir plus :
The Hacking of the American Mind de Robert Lustig.
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